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19 décembre 2010

11. La grande trouille

 

Après que le chef du peloton, un garçon courtois, dans toute la jeunesse de ses 20 ans, venant de Cambridge, nous ait aimablement tracé les grandes lignes de l’opération, il nous invita à poser des questions. J’osai dire que le bruit provoqué serait entendu. Un silence s’installa !  Mais, comme c’étaient des ordres venus d’en haut, ils devaient être exécutés. En sortant du bois, j’eus une première peur mais ne fus pas vraiment effrayé. 

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Tout était tranquille et calme sur le front. Pas de fusées, par de coups de fusils. Aucune détonation. 
Rapidement, nous nous habituions au clair de lune, une lumière qui rendait la vie et les mouvements presque irréels. On s’en alla à ramper vers les abris, deux par deux. L’un pour tenir, l’autre pour taper. D’autres préparaient le fil de fer à dérouler de son axe. Avec trois autres hommes, nous avons suivi le commandant du peloton vers l’hangar en bois goudronné afin d’y décrocher les fils tendus supportant le tabac que nous avons d’ailleurs laissé sur place.

Toujours aucun coup de feu tiré. L’impensable avait pris une tournure ordinaire : nous parlions en travaillant, sans précaution aucune, tandis que les heures nocturnes passèrent normalement. La lune descendait doucement derrière la cime des arbres, derrière nous. Chacun de nous nous semblait être devenu des fantômes, chacun suivi de son ombre. Après quelques instants de quiétude sur le front, j’ai aperçu au dessus de la ligne allemande, une lueur étrange, de curieuses lumières  accrochées à un piquet planté sur leur talus. Mais quelle était donc cette lanterne ?  Je n’en savais rien. Cela faisait partie de ces mystérieuses impressions ressenties lors de ces nuits silencieuses et glaciales à peine éclairée par une lune faiblarde.  Le travail me réchauffait, et tout mon corps était fébrile, non pas chaleur mais de bonheur.

Soudain, une voix s’éleva de la tranchée ennemie : « Hoch, hoch, hoch ! »  Tout comme mes camarades soldats, je me suis reculé et accroupi, j’ai épaulé mon fusil. Puis, plus aucun bruit ne se fit entendre. On s’est regardé, relevé, parlé. A nouveau, d’autres voix provenaient de l’autre côté de cet espace noir du No Man’s Land. Il nous semblait apercevoir au loin des hommes passer sous ce point de lumière, sur le parapet. Stupéfaits, nous vîmes qu’ils y plaçaient un arbre de Noël ! Et tout autour, des Allemands qui parlaient, riaient, en se remontant le moral par des « Aah, aah, aah ! »

wwixsg10d_medium_mid.jpgNotre chef de peloton qui allait d’un groupe à l’autre durant notre mission, regarda sa montre : « Il est 11 heures. Encore une heure et nous serons de retour ! »

« A Berlin, il doit être minuit !  Joyeux Noël à vous tous ! »

Je me suis dit que c’était beaucoup mieux d’entendre cela !  Puis, du côté allemand, une belle voix de baryton se mit à chanter une mélodie que ma nourrice Minne me fredonnait après ma douche, avant d’aller au lit. Elle avait été servante chez ma grand-mère allemande, de la famille Lune de Hildesheim.

« Douce nuit, sainte nuit… »  Impressionnante, cette voix dans la nuit, à la fois grave et suave, qui résonnait dans le brouillard glacial !  C’était comme si un nouveau monde apparaissait au milieu de ce cauchemar, un monde plus beau encore que celui que nous avions quitté d’Angleterre !... Sauf pour ces merveilles musicales ou ces sorties printanières en bicyclette à travers le Kent et le Bedforshire. 

 

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